Un gérant de SCI peut-il signer seul un bail ?

Un gérant de SCI

Source : Freepik.com

Une société civile immobilière est un type spécifique de société, très souvent constituée pour acquérir, détenir, et gérer un patrimoine immobilier, à plusieurs associés investisseurs ou au bénéfice des futurs héritiers souvent dans l’optique d’une transmission à terme.

Son régime juridique est celui des sociétés civiles, prévu aux articles 1845 et suivants du Code Civil

La gestion des SCI est assurée par un plusieurs gérants désignés dans les statuts constitutifs ou par décision des associés tout au long de la vie de la société.  

Le gérant de la SCI est le représentant légal, son dirigeant.

I – En principe : Le gérant de SCI peut agir seul.

> À L’article 1848 du Code civil prévoit, en son premier alinéa :

« Dans les rapports entre associés, le gérant peut accomplir tous les actes de gestion que demande l’intérêt de la société (…) »

Cela veut dire que l’acte en question doit être utile et profitable à la société, pour être compatible avec l’intérêt de la SCI.



> À L’article 1849 du Code civil prévoit, en son premier alinéa :

« Dans les rapports avec les tiers, le gérant engage la société par les actes entrant dans l’objet socialEn cas de pluralité de gérants, ceux-ci détiennent séparément les pouvoirs prévus à l’alinéa précédent (…) « 

S’ils sont plusieurs, ils exercent la gérance ensemble, mais chacun individuellement. Ils peuvent donc faire par eux même tous les actes de gestion, agir comme seul gérant.



La signature d’un bail constitue un mode normal d’administration d’une SCI, qui relève, de fait, des pouvoirs du gérant, que ce soit :

  • Bail d’habitation,
  • Bail commercial
  • Bail professionnel


La SCI loue tout ou partie de son patrimoine, c’est sa vocation première, mais le gérant doit respecter à la fois l’objet social, et à la fois l’intérêt social.

Rédaction de bail longue durée

Source : Freepik.com

Le gérant devra, en pratique, solliciter tout de même l’autorisation de ses associés dans des cas exceptionnels, par exemple :

  • Un bail de très longue durée, avec des clauses inhabituelles, en tout cas dérogeant au droit commun
  • Une prise en charge importante des travaux par la société, ou l’acceptation d’efforts financiers significatifs (réduction spécifique de loyers…) par exemple.

De manière générale, si le gérant à un doute, sur les actes qui relèvent ou non de la gestion courante de la SCI, il pourra solliciter l’autorisation des associés en assemblée générale pour sécuriser l’opération projetée.

En effet, l’article 1852 du Code civil prévoit en principe le recours à la collectivité des associés pour les décisions qui excèdent les pouvoirs reconnus aux gérants. 

En cas de doute sur la décision, inclue ou non dans les pouvoirs du gérant de SCI, il vaut mieux réunir une assemblée générale.

Évidemment, ces affirmations demeurent valables sauf appréciation au cas par cas, en fonction d’éventuelles clauses contraires dans les statuts, dans un pacte d’associés, visant à restreindre les pouvoirs du gérant.

Par exemple pour certaines opérations comme :

  • Emprunts,
  • Hypothèque,
  • Vente de l’immeuble
  • Engagements financiers supérieurs à un certain montant.


Il peut être exigé, pour les actes importants, une cosignature des cogérants, ou pour un acte important (par exemple le bail commercial engageant la société pour 9 années), l’accord préalable de l’assemblée générale.

Et si le gérant outre passe ces restrictions ?

Le bail signé par lui au nom de la SCI demeure valable, dans la mesure où ces restrictions ne sont pas opposables aux tiers extérieurs à la SCI (sauf s’ils en avaient connaissance).

Il faudra donc rechercher à engager la responsabilité du gérant (Cf. III)

II – Exception. : L’opposition formelle d’un cogérant.

L’article 1849 précité prévoit dans la suite de son article :

L’opposition formée par un gérant aux actes d’un autre gérant est sans effet à l’égard des tiers, à moins qu’il ne soit établi qu’ils en ont eu connaissance. 

Cette règle constitue un mécanisme interne d’opposition, qui ne remet pas en cause l’apparence de pouvoir à l’égard des tiers, mais bloque l’acte en interne.

Il s’apparente à un droit de véto du cogérant de SCI.

Un gérant est donc libre de réaliser les actes normaux de gestion, sauf à ce que son cogérant s’y oppose.

L’opposition doit être expresse, antérieure, portée à la connaissance du cogérant qui l’envisage (LRAR, courriel avec AR, mention dans un PV, lettre remise en main propre…). La simple contestation orale pourra être jugée insuffisante, puisque difficile à prouver.

S’il s’est opposé, l’opération projetée est bloquée.  Il faudra soit la soumettre à l’assemblée générale, soit renégocier avec le cogérant pour lever son opposition, soit abandonner l’opération.  

Attention toutefois à Une opération est considérée comme conclue, à la date ou elle a été effectivement décidée.
Par exemple, pour la signature d’un bail, l’opération est conclue au jour de la signature du contrat, et donc de l’échange des consentements. Le cogérant ne peut plus s’opposer, après coup, à l’exécution du bail par la SCI, puisque celle-ci y a déjà consenti par le truchement de son premier cogérant.

Même si l’opposition empêche l’acte en interne, la SCI pourrait néanmoins être engagée vis-à-vis d’un tiers de bonne foi si l’acte a malgré tout été signé.

Poignet de main gérant

Source : Freepik.com

III – Enjeux : Chaque gérant est individuellement responsable de ses actes.

L’article 1850 prévoit :

« Chaque gérant est responsable individuellement envers la société et envers les tiers, soit des infractions aux lois et règlements, soit de la violation des statuts, soit des fautes commises dans sa gestion.

Si plusieurs gérants ont participé aux mêmes faits, leur responsabilité est solidaire à l’égard des tiers et des associés. Toutefois, dans leurs rapports entre eux, le tribunal détermine la part contributive de chacun dans la réparation du dommage »

Le gérant est responsable envers la SCI, en cas de mauvaise gestion, d’acte contraire à l’objet social, ou à l’intérêt social.

Il pourra être poursuivi par les associés, sur le fondement de l’action ut singuli, si la SCI subit un préjudice du fait des décisions qu’il a prise.

Et accessoirement, il sera peut-être révoqué.

En conclusion – La Cour de cassation l’a rappelé dans l’arrêt du 16 Janvier 2016 : La cogérance ne signifie pas la nécessité d’une action conjointe. Chacun des cogérants peut agir seul, pour accomplir tout acte de gestion qui commande l’intérêt social, sauf à démontrer toutefois que celui-ci aurait agi en dépassement de ses pouvoirs.

Dans l’arrêt par exemple, elle affirme qu’un cogérant peut agir en paiement d’une indemnité d’occupation contre un autre cogérant dès lors que les statuts de la SCI ne l’interdisent pas (et que ce dernier ne s’y est pas opposé).

Même si la loi ne l’impose pas, il est préférable, avant de signer un nouveau bail au nom de la SCI, de prévenir les associés, voir même :

  • d’en discuter en assemblée,
  • de rédiger un procès-verbal pour sécuriser l’opération en cas de doute


Ces précautions peuvent limiter les risques de conflit.

N'hésitez pas à partager cet article sur

Je souhaite être recontacté.e

Photo de Maitre Catoire Eleonore

Demande de rendez-vous :

Réponse concise à votre question (moins de 1.000 caractères)

Etude de votre dossier + possibilité d’ajout d’une pièce jointe