SCI : L’usufruitier peut contester les décisions collectives en cas d’atteinte à son droit de jouissance.

SCI : usufruitier peut contester les décisions collectives

Source : Freepik.com

Si la jurisprudence récente de la Haute Cour affirme que l’usufruitier n’est pas un associé de la SCI, la vie sociale ne devra pas pour autant faire abstraction de son droit de jouissance. Il bénéficie le cas échéant, d’un droit de contestation.

Source : Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 11 juillet 2024, 23-10.013, Publié au bulletin

L’usufruitier peut-il agir contre les décisions de la SCI ?

Peut-on contester une AG en tant qu’usufruitier malgré l’absence de statut d’associé ?

Quelle est la répartition des pouvoirs entre le nu-propriétaire et l’usufruitier en matière de contestation des décisions collectives ?

I - Une SCI avec démembrements de propriété.

Dans une nouvelle décision publiée au Bulletin, la Cour de cassation vient censurer une décision de ses confrères Aixois, pour étendre le droit de contestation des usufruitiers de parts sociales.

Dans cette affaire, une société, constituée sous la forme civile immobilière (SCI) était composée d’associés, personne physique et morale, à la fois en pleine propriété, et en démembrements de parts sociales (nus-propriétaires + usufruitiers).

A l’origine du contentieux opposant les associés entre eux :

  • Une distribution de dividendes de 2 millions d’euros, à ses deux cogérantes, lesquelles étaient des sociétés associées au capital de la SCI.
  • Une augmentation de capital par la création de nouvelles parts sociales.

Certains associés ont invoqué des abus de majorités et des défauts de pouvoir pour demander l’annulation de résolutions litigieuses dans ces deux assemblées générales (ainsi que toutes les AG postérieures compte tenu de leur adoption à une majorité contestée).  

Ils ont assigné leurs coassociés, la SCI et les propriétaires de parts en usufruit.

Source : Freepik.com

II – Les usufruitiers en SCI

Dans cette pareille affaire, il est nécessaire de rappeler :

Les deux textes applicables aux usufruitiers de SCI :

  • Droit de l’usufruitier de SCI


> L’article 1844 du Code civil prévoit, en son alinéa 3, les règles en matière de démembrement de parts sociales et de droit de vote :

« Si une part est grevée d’un usufruit, le nu-propriétaire et l’usufruitier ont le droit de participer aux décisions collectives. Le droit de vote appartient au nu-propriétaire, sauf pour les décisions concernant l’affectation des bénéfices, où il est réservé à l’usufruitier. Toutefois, pour les autres décisions, le nu-propriétaire et l’usufruitier peuvent convenir que le droit de vote sera exercé par l’usufruitier ».

  • Définition du rôle de l’usufruitier de SCI

> L’article 578 du civil définit quant à lui l’usufruit comme :

« le droit de jouir des choses dont un autre à la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en conserver la substance ».

La jurisprudence relative au statut de l’usufruitier de SCI, et son droit de contestation en assemblée générale.

Attention, il est à ce stade à noter que la jurisprudence à a d’ores et déjà considéré que les usufruitiers n’avaient pas la qualité d’« associé » de la SCI, mais qu’ils avaient quand même le droit d’agir lorsque leur droit de jouissance était mis en cause, en provoquant une délibération collective.

En effet, la Chambre Commerciale de la Cour de cassation avait émis, dans un arrêt du 1er décembre 2021 (N°20-15.164), un avis selon lequel :


« 2. Selon l’article 39, alinéas 1 et 3, du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978, dans sa version applicable, un associé non-gérant d’une société civile peut à tout moment, par lettre recommandée, demander au gérant de provoquer une délibération des associés sur une question déterminée. Si le gérant s’oppose à la demande ou garde le silence, l’associé demandeur peut, à l’expiration du délai d’un mois à compter de sa demande, solliciter du président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, la désignation d’un mandataire chargé de provoquer la délibération des associés.

3. Il résulte (…) que l’usufruitier de parts sociales ne peut se voir reconnaître la qualité d’associé, qui n’appartient qu’au nu-propriétaire, MAIS qu’il doit pouvoir provoquer une délibération des associés sur une question susceptible d’avoir une incidence directe sur son droit de jouissance ».

Les juges ont considéré que l’usufruitier de parts sociales de société civile ne pouvait se voir reconnaitre la qualité d’associé. Cette qualité n’appartient qu’au nu-propriétaire.

L’usufruitier de SCI ne peut que provoquer une délibération si elle est susceptible d’avoir une incidence sur son droit de jouissance.

L’argument a été repris mot pour mot à l’époque par la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation (C.Cass, 16 février 2022, N°20-15/164).

C’est avec ce même raisonnement que les juges tranchent aujourd’hui ce nouveau dossier confié à leur interprétation dans une affaire de contestation de décision en SCI.

Les deux textes applicables aux usufruitiers de SCI

Source : Freepik.com

III – Part sociale en usufruit et vie sociale de la SCI : Les recours de l’usufruitier contre les délibérations collectives.

La question qui se pose dans cette nouvelle affaire est de déterminer si les usufruitiers sont légitimes à contester une délibération collective ?

La nuance est légère mais a tout son importance dans cet arrêt (La jurisprudence ci-dessus avait déjà admis le droit de « provoquer » une décision collective).

C’est par l’affirmative que la Cour de cassation répond à cette problématique.

Les juges d’appel avaient déclaré l’action des usufruitiers irrecevables, puisque les décisions contestées n’étaient pas relatives à l’affectation des résultats. Ils ont considéré qu’il n’y avait alors pas lieu de rechercher si ces décisions avaient une incidence sur le droit de jouissance des demandeurs.

Les juges de la Cour de cassation censurent leurs confrères Aixois, en considérant :

« 20. Si les statuts peuvent réserver le droit de vote aux associés sur les questions autres que celles relatives à l’affectation des bénéfices (Com., 31 mars 2004, pourvoi n° 03-16.694, Bull. civ. IV, n° 70), ils ne peuvent, en revanche, priver l’usufruitier de parts sociales du droit de contester une délibération collective susceptible d’avoir une incidence directe sur son droit de jouissance ».

En résumé, la 3ème Chambre Civile de la Cour de cassation maintient sa jurisprudence antérieure, dans la mesure où elle attribue aux usufruitiers, un droit d’agir, à la fois en provoquant une délibération ou en contestant une délibération d’ores et déjà votée et adoptée, dans la mesure où ils sont capables de justifier d’une incidence sur le droit de jouissance.

Dès lors, une clause des statuts de la SCI, qui priverait un usufruitier de son droit de contestation des délibérations en indiquant que « les usufruitiers seraient irrecevables à contester toute décision collective quelque soit sa forme, à l’exception des décisions collectives portant sur l’affectation des bénéfices » porterait une atteinte directe à son droit de jouissance.

Annulation de délibération de SCI par l’usufruitier

L’usufruitier peut-il contester une assemblée générale ?

Oui, dès lors que la décision contestée porte atteinte à son droit de jouissance.

N'hésitez pas à partager cet article sur

Les derniers articles :

Catoire Eléonore avocate à Lille

Demande de rendez-vous :

Durée : 60 min – 180 € TTC

Durée : 30 min – 110 € TTC

Durée : 20 min – 70 € TTC

Réponse concise à votre question (moins de 1.000 caractères) – 150 € TTC

Etude de votre dossier + possibilité d’ajout d’une pièce jointe – 300 € TTC