Responsabilité du gérant de SARL : Les associés ont un droit propre pour agir.  

SCI : usufruitier peut contester les décisions collectives

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L’action Ut Singuli vise à permettre aux associés d’agir au nom de la société, en lieu et place de son dirigeant et contre lui-même, pour obtenir réparation d’un préjudice subi par la société directement.  La Cour de cassation vient affirmer dans cette jurisprudence récente liée aux SARL, que les associés sont investis d’un droit propre d’agir en réparation du préjudice, lequel n’est pas affecté par l’exercice concomitant de son action par la société elle-même.

Source : C.Cass, Com, 7 mai 2025 N°23.15.931

I – Conflit d’associés après décès d’un associé de SARL

Dans cet arrêt du 7 mai 2025, qui reçoit les honneurs de la publication au bulletin, la question s’est posée aux juges de déterminer si l’action ut singuli pouvait être initiée concomitamment à l’action qu’a initiée la société elle-même.

Une SARL est détenue presque exclusivement par un associé extrêmement majoritaire, et gérée par lui-même et sa compagne (non associée). Une unique autre part est détenue par une seconde associée, extrêmement minoritaire.

A son décès, ses deux enfants et …. son épouse, héritent d’une partie de ses parts sociales, quant à la compagne elle hérite de la quotité disponible (pour une définition simple : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F606 ).

Un bon mélange explosif, qui allait évidemment finir devant la Cour de cassation, surtout lorsque les deux enfants du défunt ont constaté des irrégularités de gestion. La société subit un préjudice, qu’ils vont tenter de faire réparer.

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II - La responsabilité des gérants de SARL en cas de fautes de gestion et le droit d’agir des associés au titre de l’action sociale.

Comment engager la responsabilité d’un gérant de SARL ?

Avant de poursuivre, quelques rappels : Dans les SARL, les gérants sont responsables de leurs actes.

 Ils engagent donc leur responsabilité personnelle envers la société ou des tiers en cas de faute, dans les formes et conditions prévues par l’article L223-22 du Code de commerce ; c’est-à-dire :

« Les gérants sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.

Si plusieurs gérants ont coopéré aux mêmes faits, le tribunal détermine la part contributive de chacun dans la réparation du dommage ».

Par exemple, la jurisprudence a déjà identifié des fautes de gestion qui ont permis d’intenter l’action ut singuli contre le gérant de la société :

  • Le gérant responsable d’irrégularités comptables constatées par l’administration fiscale, avec redressement fiscal à la charge de la société (Cass, com 12 Octobre 1993 (N°91.17.629).
  • Le gérant qui enfreint son obligation de loyauté, inhérente à son statut, lui empêchant de négocier, en qualité de gérant d’une autre société, un marché dans le même domaine d’activité (Cass, Com, 15 Nov 2011, N°10.15.049).

Ce même texte prévoit, aux alinéas suivants, les modalités pratiques pour engager la responsabilité du dirigeant de société :

« Outre l’action en réparation du préjudice subi personnellement, les associés peuvent, soit individuellement, soit en se groupant dans les conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, intenter l’action sociale en responsabilité contre les gérants. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation de l’entier préjudice subi par la société à laquelle, le cas échéant, les dommages-intérêts sont alloués ».

Le texte précise par ailleurs que les statuts ne peuvent restreindre ce droit, et qu’aucune décision d’AG ne peut couvrir cette action non plus.

« Est réputée non écrite toute clause des statuts ayant pour effet de subordonner l’exercice de l’action sociale à l’avis préalable ou à l’autorisation de l’assemblée, ou qui comporterait par avance renonciation à l’exercice de cette action .

Aucune décision de l’assemblée ne peut avoir pour effet d’éteindre une action en responsabilité contre les gérants pour faute commise dans l’accomplissement de leur mandat. »

En cas de faute de gestion, les associés peuvent donc engager la responsabilité du gérant de SARL.

« Intenter l’action sociale » pour engager la responsabilité du dirigeant : qu’est-ce que cela veut signifie exactement ?

Quand on parle d’intenter l’action sociale, on parle d’une action en justice au nom de la société, et pour défendre ses intérêts à elle, pas ceux des associés individuellement.

Mais parfois, le dirigeant ne fait rien alors qu’il devrait attaquer quelqu’un (par exemple : un autre dirigeant qui a causé un préjudice à la société). Dans ce cas, un associé seul peut décider d’agir à la place de la société.

C’est ce qu’on appelle l’action ut singuli.

🧾 « Ut singuli » vient du latin pour dire que chaque associé individuellement peut agir au nom de la société, quand les représentants légaux ne font pas leur travail.

Deux actions permettent d’engager la responsabilité d’un dirigeant.

Quelles sont les différences entre action ut universi et ut singuli

  • Action sociale ut universi :
    -> exercée par le dirigeant de la société.
    -> pour défendre l’intérêt social.
  • Action sociale ut singuli :
    -> exercée par un associé, à la place du dirigeant, quand ce dernier ne fait rien.

III – Quels sont les recours des associés contre le dirigeant ? Les héritiers peuvent-ils agir contre le gérant de SARL ?

Après avoir constaté des irrégularités de gestion ils ont adopté une stratégie en deux temps devant le tribunal de commerce :

Les deux textes applicables aux usufruitiers de SCI

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Etape 1- Expertise de gestion en cas de litige entre associés.

Ils commencent donc par saisir le juge des référés pour ordonner une expertise comptable et de gestion sur la SARL au regard des irrégularités de gestion.

Ils agissent alors à la fois en leur nom propre, et au nom de leur mère es qualité de tuteurs.

Ils obtiennent gain de cause du juge de l’urgence, qui ordonne à l’expert de vérifier les écritures comptables de la SARL, et d’examiner les relations entre celle-ci et les sociétés personnelles de la compagne du défunt, qui était, on le rappelle, cogérante de la SARL.

Etape 2 – Assignation du gérant de SARL en justice.

À la lecture du rapport de l’expert, plus de doute, ils assignent l’ex-gérante et sa SCI en paiement de diverses sommes en recherchant sa responsabilité personnelle.

Sauf qu’entre temps, la gérante a été remplacée par l’associée minoritaire, laquelle a déjà mis en mouvement l’action sociale contre l’ex dirigeante.

IV – L’action des associés est-elle subsidiaire ou non ?

Les juges du fond ont déclaré l’action irrecevable, considérant que l’action ut singuli « exercée par les associés pour le compte de la société est traditionnellement considérée comme subsidiaire ».

Deux actions en responsabilité contre l’ex dirigeante ont donc été intentées en même temps semble-t-il, ce qui ferait obstacle à la recevabilité de celle intentée par les associés. La Cour d’appel relève que les héritiers de l’associé de SARL ne disposeraient pas d’un intérêt propre à agir en réparation d’un préjudice dont la société elle-même sollicitait d’ores et déjà la réparation.

Mécontent de cette décision ils se pourvoient en cassation en arguant de leur propre intérêt à agir pour obtenir la réparation du préjudice subi par la société.

La Cour de cassation, réunie en chambre commerciale tranche le débat :

Au visa de l’article 31 du Code de procédure civile, et L223-22 du Code de commerce, il résulte que les associés disposent bien de leur propre droit d’agir en réparation. Ce droit n’est alors pas affecté par l’exercice concomitant de son action par la société elle-même.

La Haute juridiction censure donc ses confrères du fond, et affirme haut et fort le droit propre des associés pour agir en réparation. L’action des héritiers demeure recevable, quand bien même la nouvelle gérante aurait intenté sa propre action.

Documents juridiques

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