Proposition de vente parts sociales : Quand l’offre de cession engage-t-elle définitivement le vendeur ?

vente de parts sociales de SARL

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Une « simple » proposition de vente de parts sociales de SARL peut-elle être considérée comme satisfaisant les exigences du Code civil en matière de fermeté et de précision pour valoir offre de contrat ?

Peut-on au contraire, considérer qu’elle constitue une simple invitation à entrer en négociation ? ou l’ouverture de pourparlers ?

La proposition, pour engager définitivement son auteur doit permettre d’illustrer l’intention définitive de son auteur de s’engager. Elle doit, pour ce faire, contenir les éléments essentiels du contrat de vente envisagé, de sorte qu’il suffit d’une simple acceptation pour former le contrat, c’est-à-dire valider la vente.

Source : Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 17 septembre 2025, 24-10.604, Publié au bulletin

En l’espèce dans cet arrêt, la question posée aux juges est la suivante : une offre exprimée en pourcentage du capital social peut-elle valoir offre ferme et précise, ou ne constitue-t-elle qu’une invitation à négocier ?

La question est essentielle en droit des sociétés, car la distinction entre simple pourparlers et offre de vente engageante détermine si le vendeur peut encore se rétracter… ou non. Dans ce cas, il peut se voir contraint de vendre ses parts par le juge.

L’accord sur la chose et sur le prix : c’est le cœur d’un contrat

Pour qu’un contrat soit valablement formé, dans toutes matières, il faut qu’il y ait accord sur la chose et sur le prix.

Autrement dit, les parties doivent s’être mises d’accord sur ce qui est vendu (la chose) et sur la contrepartie (le prix). Cet accord marque la naissance du contrat : à partir de ce moment, il est parfait et oblige les parties, même si la livraison ou le paiement n’ont pas encore eu lieu.

Cet accord fait naitre des obligations réciproques entre le vendeur et l’acheteur :

  • Le vendeur est tenu de délivrer la chose conforme et d’en garantir la propriété.
  • L’acheteur est tenu de payer le prix convenu.

Ces obligations deviennent exigibles dès que le contrat est formé, sans possibilité de se rétracter.

En SARL comme ailleurs, pour qu’une proposition de cession de parts sociales soit considérée comme une offre ferme, elle doit donc refléter la volonté définitive de son auteur de s’engager sur la chose et sur le prix. Dès lors, il suffit d’une simple acceptation pour que le contrat soit formé, et la vente devient parfaite… C’est tout l’intérêt de cet arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation.

assignation tribunal

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Dans cette affaire, deux futurs associés proposent à un tiers de lui accorder 17,09% du capital d’une société en formation, et fixent pour ce faire d’ores et déjà le prix, à 72 000 euros.

La proposition est dûment acceptée par ce tiers intéressé. En 2019, et 2020, n’ayant toujours pas pu acquérir lesdites parts sociales promises, il perd patience et met en demeure les deux associés d’honorer leur engagement.

Face à leur refus de vendre les parts sociales, l’intéressé ne baisse pas les bras. Il assigne ses interlocuteurs devant le tribunal de commerce pour faire reconnaitre la cession des parts sociales de la SARL, qui s’est finalement constituée…. sans lui.

Les premiers juges reconnaissent la validité de la cession de 17,09% du capital de la SARL, pour les 72 000 euros prévus dans la proposition initiale.

Ils rejettent le caractère équivoque de la proposition émises par les deux associés, et au contraire, juge qu’elle constitue bien une offre ferme de vendre.

Ils ordonnent au passage, la condamnation solidaire des deux associés au versement de 10 000 euros de dommages et intérêts pour le préjudice subi par le tiers…

En appel, les intéressés invoquent comme fer de lance, l’absence d’identification précise des parts sociales de la SARL tant dans leur nombre, que par leur numérotation. Dès lors, la proposition litigieuse ne saurait selon eux être qualifiée d’offre ferme et précise….

Une offre de vente exprimée en pourcentage du capital suffit

La Cour de cassation est donc sollicitée par le pourvoi des associés mécontents d’être contraints céder une partie de leur capital à ce tiers…

Elle rappelle et combine les articles suivants :

  • L’article 1114 du Code civil : « L’offre, faite à personne déterminée ou indéterminée, comprend les éléments essentiels du contrat envisagé et exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation. A défaut, il y a seulement invitation à entrer en négociation »
  • L’article 1583 du Code Civil : « (La Vente) est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé.»
  • L’article 1163 du Code civil : « (….) Celle-ci doit être possible et déterminée ou déterminable. La prestation est déterminable lorsqu’elle peut être déduite du contrat ou par référence aux usages ou aux relations antérieures des parties, sans qu’un nouvel accord des parties soit nécessaire ».

 

L’obligation doit donc être déterminée ou déterminable, c’est là le nerf de la guerre entre les deux parties dans ce litige.

La Chambre commerciale de la Cour de cassation tranche en indiquant alors :

« une offre de cession de parts sociales exprimée en pourcentage du capital social qu’il est proposé de céder satisfait aux exigences de l’article 1114 du code civil. »

Les juges suprêmes considèrent en effet, dans ce nouvel arrêt promis à large publication, que la proposition des associés était « claire et précise quant aux éléments de la cession, la chose cédée à (X) étant identifiée, à savoir 17,09% des parts (…) et le prix fixé à hauteur de 72 000 euros ».

Ils rejettent le pourvoi, soutenant la position de leurs collègues juges du fonds.

C’est alors à bon droit que la Cour d’appel a jugé que la circonstance que les titres ne soient pas particulièrement identifiés par leur numérotation ne rendait pas cette proposition équivoque.

Après ces quelques années de contentieux, l’ambiance promet d’être tendue entre les trois associés de la SARL… 

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A RETENIR :

1 – Accord sur la chose et le prix = vente parfaite, même sans transfert matériel des parts.

2 – Une offre de cession de parts sociales exprimée en pourcentage du capital social suffit. Autrement dit, il n’est pas nécessaire d’identifier les parts sociales par leur numérotation pour que la proposition soit ferme et engageante.

3 – Les (futurs) associés doivent donc redoubler de prudence lorsqu’ils évoquent une future cession dans leurs échanges écrits (mails, projets, lettres d’intention…). Une formulation maladroite ou trop précise peut suffire à les lier juridiquement….

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