SCI – Peut-on prouver une cession de parts sociales lorsque le cédant n’a pas signé l’acte de cession ?
SCI – Peut-on prouver une cession de parts sociales … lorsque le cédant n’a pas signé l’acte de cession ?
Le cadre juridique des gérants de société civile est posé aux articles 1846 et suivants du code civil.
Ils peuvent être associés ou non, désignés dans les statuts constitutifs ou par un acte séparé, pour un temps limité ou pour la durée de la vie de la société. Leur nomination et cessation de fonction doivent être publiées dans un journal d’annonces légales, et faire l’objet d’un dépôt de dossier auprès du greffe du tribunal de commerce aux fins de rectification du Kbis dans un délai d’un mois.
« Dans les rapports entre associés, le gérant peut accomplir tous les actes de gestion que demande l’intérêt de la société »
« Dans les rapports avec les tiers, le gérant engage la société par les actes entrant dans l’objet social »
Ainsi, vis-à-vis des tiers, c’est-à-dire des personnes non associées au capital, le gérant peut accomplir les actes dans le strict respect de la délimitation de l’objet social.
L’objet social, souvent rappelé dans les premiers articles des statuts de la SCI, définit les activités que la société est en droit d’exercer. Il engendre l’attribution d’un code APE, engendre l’application d’une convention collective ainsi que moult divers impacts légaux, et fiscaux.
En pratique donc, le gérant peut faire seul tout ce qui entre dans cette liste d’activité, à condition que l’opération soit réalisée dans l’intérêt social.
La jurisprudence a d’ores et déjà considéré par exemple que la sureté accordée par une société civile au profit d’une autre société, en garantie de la dette d’un associé, serait nulle puisque contraire à l’intérêt social, dans la mesure où cette opération pourrait compromettre son existence même (C.Cass, Com, 23 septembre 2014, N°13.17.347)
Dans un nouvel arrêt de la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation (2 MAI 2024 – N°22.24.503), la question a été posée aux juges de l’éventuelle délimitation des pouvoirs du gérant.
Une SCI a été constituée entre deux associés en couple, l’une, largement majoritaire, détenant 99% du capital, et l’autre 1%, mais avec la caquette de gérant.
La société était propriétaire d’un immeuble de deux étages, dont le rez-de-chaussée était loué à une société depuis la signature du bail commercial.
Le contentieux trouve son origine à la séparation du couple.
Le gérant, associé minoritaire, s’est « prêté » lui-même, gratuitement, les deux étages de l’immeuble, qu’il a utilisé à usage d’habitation.
Mais oui. Pourquoi louer un appartement et payer un loyer lorsqu’on peut se loger gratuitement dans l’immeuble d’autrui ? (Pour mémoire, son ex-femme détient 99% de la SCI qui détient l’immeuble).
Mécontente l’associée majoritaire demande au gérant de convoquer une assemblée générale des associés, laquelle aurait pour ordre du jour la révocation du gérant, mais celui-ci refuse. En effet, la société percevait probablement un loyer, lequel revenait pour 99% à Madame, qui était gravement touchée par l’occupation gratuite des locaux par son ex.
Sollicitant la désignation par le juge d’un mandataire chargé de se substituer au gérant, c’est ce dernier qui convoque l’assemblée générale, et évidemment, le gérant est révoqué puisque Madame détenait bien plus que la moitié du capital social nécessaire pour emporter le vote.
C’est la que les choses sérieuses commencent.
L’ancien gérant assigne la SCI aux fins d’obtenir le remboursement de son compte courant.
Reconventionnellement, c’est-à-dire sous forme de contre-attaque, l’associée majoritaire formule elle-même des demandes vis-à-vis de son ex, et revendique notamment, l’annulation de la convention de prêt à usage, c’est-à-dire, l’occupation gratuite de l’immeuble ces dernières années.
Elle explique que l’objet social de la SCI n’incluait pas la mise à disposition gratuite de l’immeuble à ses associés, et que dès lors, l’ancien gérant ne pouvait décider seul de cette opportunité.
Les premiers juges décident :
Coute que coute, l’ancien gérant maintient sa revendication jusqu’à la Cour de cassation, qui elle aussi, tranche en faveur de l’associée majoritaire.
« 8. La cour d’appel a énoncé à bon droit que, lorsque les statuts d’une SCI n’indiquent pas dans l’objet social la faculté de mettre un immeuble dont elle est propriétaire à la disposition gratuite des associés, cette mise à disposition ne peut être décidée par le gérant seul et doit être autorisée par l’assemblée générale des associés, statuant dans les conditions prévues pour la modification des statuts ».
Échec et mat.
Monsieur n’a plus qu’à libérer rapidement les lieux sous peine d’être expulsé.
Source : legigrance.gouv
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Catoire Eléonore
Avocate en droit des affaires et des sociétés à Lille, Lambersart, Loos, La Madeleine, Hellemmes, Villeneuve d’Ascq, Marcq en Baroeul, Pévèle, Roubaix …